Îles flottantes – Jean-Luc Cattacin

Note : 3.5 sur 5.

Mots clés

roman adulte   littérature   roman   littérature pour adolescents   peur   angoisse   nostalgie   bibliothécaire   amitié   civilisation   liberté   drogue   vacances   îles   ete   île de pâques   amour   mer   adolescence   littérature française  

Le pitch

Tout a commencé sur l’île où je passe mes vacances. Pour une bouchée de pain, j’achète une étrange tablette de bois. En voulant comprendre les signes gravés sur ses flancs, je rencontre Elisabeth. Il s’agit d’une écriture, me dit-elle : le rongo-rongo de l’île de Pâques. Plages immenses et sentiers dans la forêt, odeur de l’océan et des immortelles, corps alanguis au soleil : un bel été commence. Mais voilà, mon ami Ficelle doit me rejoindre dans la grande maison sur la dune.
Ficelle et ses très mauvaises habitudes. Ficelle, à qui rien ne fait peur. Le genre de garçon qui change le cours de l’histoire.

Mon avis

L’opération Masse Critique qu’organise régulièrement Babelio proposait cette fois-ci « îles flottantes » de Jean-Luc CATTACIN aux éditions Phébus et je les remercie vivement de m’avoir donné l’opportunité de découvrir cet auteur et plus particulièrement ce roman et son univers si particulier.

Pour commencer, je souhaite dire un mot de la couverture : magnifique, en papier gros grain, avec effet « tissu » crème avec d’étranges signes qui recouvre la majeure partie de la page. Il s’agit d’écriture Rongo-Rongo (dont on entendra beaucoup parler dans ce livre), provenant de l’île de Pâques (ou l’île de Rapa Nui) et dont personne à ce jour n’a réussi à en percer le mystère. Cette langue indéchiffrable gardera ses mystères et sa signification peut-être à jamais… Et ce sera le fil conducteur de ce livre.

Ce roman de vacances, c’est l’histoire de « Rouquin » qui commence sur une autre île, Peut-être celle d’Oléron (je dis ça à cause de sa référence au « phare de Gésiron » qui me fait furieusement penser au « phare de Chassiron » et à la ville de « St-Arjan » au sud de l’île qui fait sans doute référence à la ville de « St-Trojan »). « Rouquin » est un adolescent paisible, qui aime la campagne, la mer, la plage des « Belles » et surtout celle de « Roulefaux », il aime les promenades sur sa bécane antique « Rosalie ». Il est en vacances sur cette île avec ses parents et profite pleinement de ce repos estival, loin de sa banlieue qu’on devienne parisienne peut-être, Preterny, mais qui peut être n’importe où aux alentours d’une grande ville de France.

Sur l’île donc, où il démarre les vacances d’été avec ses parents, le narrateur fera au détour d’une brocante, l’acquisition d’une étrange tablette en bois gravée de signes kabbalistiques qui se révèlent donc être du Rongo-Rongo, langage de l’île de pâques aujourd’hui oublié, île d’où proviendrai cette tablette, selon la vendeuse.

Son âme romantique et curieuse le mènera donc tout naturellement à la bibliothèque municipale de la ville pour faire de plus ample recherche sur ces hiéroglyphes (ou logogrammes écrits en boustrophédon inversé – c’est-à-dire qu’en partant de la ligne inférieure du support, on lit la première ligne de la gauche vers la droite, puis on fait tourner le support de 180°, on lit également la deuxième ligne de la gauche vers la droite, et ainsi de suite). Là, il y fera la connaissance d’Elisabeth la jolie bibliothécaire, pourtant plus âgée que lui, qui ne tardera pourtant pas à occuper toutes les pensées de notre ami.

Mais si dans cette première partie il est question de poésie, de romantisme et de doux rêves, il est aussi question de l’attente de l’arrivée de l’ami de « Rouquin »: « Ficelle » qu’il admire mais qu’il craint également car ce dernier semble selon la description soit tout, sauf romantique. Ficelle est un pur « sirop de la rue », un ado qui joue avec le feu, qui transgresse allègrement les interdits et qui n’a cure des « bonnes manières », qui flirte avec tous les excès (alcools et stupéfiants en tout genre) et finira même par s’improviser cambrioleur pour subvenir à ses besoins de plus en plus impérieux en diverses drogues.

« Rouquin », dans la seconde partie est donc partagé entre son envie de suivre son ami partout, y compris sur les chemins interdits, dangereux et retors de la drogue, sa fascination pour celui-ci et son attirance pour la poésie et la petite bibliothécaire. Il ne choisira d’ailleurs pas vraiment, il suivra le mouvement. Celui d’abord de ficelle, dont les « tryp » bad ou non, sont décrits avec force précision et un vocabulaire fort riche (et parfois anachronique voire pompeux) pour nous emmener à travers leurs délires et même si cette description reste malgré tout, toute poétique, on n’en ressent pas moins les effets néfastes et destructeurs.

Alors, autant je me suis attaché au narrateur dont on ne connaitra finalement que le surnom de « Rouquin », autant « Ficelle » le casse-cou perturbateur m’a agacé un brin. Un chien dans un jeu de quilles qui vient gâcher le beau tableau tranquille, bucolique et romantique de l’île et qui entraine le narrateur dans ses égarements malsains qui les emmèneront aux portes du point de non-retour. Mais justement, cet agitateur arrive pile dans le paysage à un moment où la « romance » et la mièvrerie risquent de prendre le pas et de devenir ennuyeux. Il fait office de « détonateur » et de troisième temps dans la valse bien ordonnée qui s’opère jusqu’à présent. Il « casse le rythme » et apporte plusieurs inconnues à cette équation qui sans lui aurait été peut-être un peu trop plate et fade sans lui.

L’écriture si douce et poétique au tout début fait place à un tempo plus syncopé où se mêlent dialogues et récit sans distinction de forme et telle la marée, les flashbacks amènent la tension et le souvenir des galères puis succède le présent qui amène un peu de paix et de calme jusqu’à ce que finalement, les deux se mêlent et s’entremêlent, se déchirent, ne fassent plus qu’un et puis que tel le soleil après la tempête, le vent « mauvais » se retire et que le calme et la tranquillité revienne.

Ce livre est une divagation poétique et lyrique sur l’adolescence et ses émois mais elle n’est pas a proprement parlé une lecture pour ados. Certes elle parle de cet âge trouble et flottant où les ados perdus se posent mille et une questions, toutes plus saugrenues les unes que les autres mais elle n’est pas « fléchée » et destinée aux ados.

Tout au long des parties suivantes on sent monter une « tension » avec la méchante impression que « cela va mal se terminer », comme si un drame allait fatalement arriver. En cela les descriptions des « voyages sous acide » est terriblement dramatique et la montée en puissance de leurs intensités annoncent la catastrophe, inévitable….

Je ne suis pas en train de dire qu’il s’agit d’un thriller, loin de là, mais il y a une tension dramatique dans ce livre, palpable et bien transcrite.

Je note au passage que la construction des phrases est parfois assez étonnante, incluant des dialogues et omettant des virgules ce qui rend la lecture parfois malaisée voire un peu pénible. J’avoue que le choix du vocabulaire, les envolées lyriques du texte, la prose à visée poétique m’a parfois laissée sceptique et n’a pas eu toujours l’effet escompté. Pourtant cette écriture si particulière, rend la description des « voyages sous acide » tellement réelle car l’alignement des mots sans suite logique comme une litanie sans limites, puisque privé de ponctuation sème la confusion chez le lecteur ce qui l’emmène à avoir une impression de vertige qui transcrit l’état exact des protagonistes au moment de leurs délires. En cela la construction lexicale est intéressante et fait mouche à mon sens.

Globalement je trouve ce roman léger et rafraichissant malgré la pesanteur de certains sujets abordés ; c’est une expérience de lecture intéressante que je suis prête à renouveler avec plaisir avec cet auteur.

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